49N
La Loi canadienne sur le droit d'auteur : 100 ans entre tradition et innovation
Entrez dans l’histoire captivante de la Loi canadienne sur le droit d’auteur, qui célèbre son centenaire. De ses origines britanniques en 1924 jusqu’aux défis contemporains de l’ère numérique, découvrez comment cette législation fondamentale a façonné le paysage culturel canadien. À travers les témoignages d’experts et l’évolution des technologies, cet épisode explore les moments clés qui ont marqué son développement, ses adaptations face aux innovations, et les enjeux actuels posés par l’intelligence artificielle. Une plongée fascinante dans une loi qui continue de protéger et d’encourager la création canadienne.
Canada's Copyright Act: A Century Between Tradition and Innovation
Step into the fascinating history of the Canadian Copyright Act as it celebrates its centennial. From its British origins in 1924 to today’s digital age challenges, discover how this fundamental legislation has shaped Canada’s cultural landscape. Through expert testimonies and technological evolution, this episode explores the key moments that marked its development, its adaptations to innovations, and the current challenges posed by artificial intelligence. A fascinating dive into a law that continues to protect and encourage Canadian creation.
Ressources
‘100 ans de droit d’auteur au Canada’. Accessed 22 May 2024. https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/premiere-heure/segments/entrevue/469323/100-ans-droit-dauteur-canada.
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Narration : Marcel Simoneau
Écriture et réalisation | Writing and realisation : Hugo Martin
Recherche | Research : Catherine Paulin
Écriture – Montage et son | Writing – Editing and sound: Sophie Houle-Drapeau
Collaborateur | Contributor : Ysolde Gendreau

Ysolde Gendreau
Diplômée de l’Université McGill (B.C.L., LL. B., LL. M.) et de l’Université Paris II (doctorat en droit), membre du Barreau du Québec, Ysolde Gendreau enseigne le droit de la propriété intellectuelle et le droit de la concurrence à la Faculté de droit depuis 1991. Ses recherches portent sur le droit d’auteur dans une perspective comparée et internationale.
Source: Université de Montréal

Transcription
Transcript – 49° N
Episode 4 – La Loi canadienne sur le droit d’auteur : 100 ans entre tradition et innovation
Durée: 52:12 min
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(Narrateur)
Une légère odeur d’encre fraîche et de papier se mêle à celle du bois et du métal. Le bruit de la presse résonne. L’engin mécanique en bois renforcé de fer occupe une place centrale dans l’atelier. Autour d’elle, les assistants s’affairent, préparant les matériaux nécessaires à la création de l’œuvre écrite. Des caractères mobiles en plomb typographique, un alliage composé d’environ 70 % de plomb, 25 % d’antimoine et 5 % d’étain, fabriqués dans un moule à fondre les caractères seront utilisés dans la presse typographique munie d’une vis sans fin.
Les Chinois ont été les premiers à utiliser les caractères mobiles au XIe siècle. Les assistants, quant à eux, choisissent les blocs métalliques nécessaires pour composer les pages du livre, les disposant soigneusement dans un cadre, un peu à la manière d’un casse-tête. Un homme au visage marqué par la concentration supervise le travail avec une attention rigoureuse. Il s’agit du maître imprimeur. Il vérifie les caractères pour s’assurer qu’ils sont bien alignés et en parfait état. L’encre grasse est préparée à partir de pigments mélangés à l’huile de lin et étalés sur les caractères métalliques à l’aide de rouleaux en cuir. Elle est appliquée uniformément pour que chaque lettre soit bien couverte, mais sans excès pour éviter les bavures.
La feuille de papier, soigneusement tendue et humidifiée pour assurer une meilleure absorption de l’encre, est posée sur les caractères. Le maître imprimeur abaisse ensuite la presse avec une force mesurée, imprimant les caractères sur le papier avec une pression régulière. Le bruit de la presse résonne à nouveau dans l’atelier. Après chaque impression, les feuilles sont soigneusement inspectées pour détecter d’éventuelles imperfections. Les erreurs sont corrigées et les pages sont empilées en attendant d’être assemblées.
Le livre est ensuite cousu, souvent par un artisan spécialisé, et la couverture, ornée de motifs décoratifs et parfois de dorures, est ajoutée. Nous sommes au milieu du XVe siècle, l’invention de l’imprimerie étant attribuée à l’Allemand Johannes Gutenberg.
C’est cette révolution technologique qui a conduit à la nécessité d’établir des mécanismes juridiques pour réguler la reproduction des œuvres. Au début, les droits sur les livres étaient principalement régis par des privilèges accordés aux imprimeurs et aux libraires, plutôt qu’aux auteurs eux-mêmes.
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Cela permettait aux professionnels de l’imprimerie de contrôler la reproduction et la distribution des œuvres, souvent sans se soucier des droits des créateurs. Rédigé en 1709 et appliqué à compter du 10 avril 1710, le Copyright Act, aussi appelé le Statute of Anne en l’honneur de la reine de la Grande-Bretagne et d’Irlande de 1707 à 1714, est une loi pionnière. Elle est considérée comme la première loi moderne sur le droit d’auteur et a joué un rôle fondamental dans l’histoire de la protection des créations intellectuelles. Cette loi du Parlement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord offre une protection aux auteurs en leur accordant des droits exclusifs pour reproduire et distribuer leurs œuvres. Ainsi, les auteurs avaient le droit exclusif de publier leurs œuvres pendant une période déterminée, initialement de 14 ans, renouvelable une fois pour une période supplémentaire de 14 ans.
En effet, cette loi établit pour la première fois une durée limitée pour la protection des œuvres, rompant ainsi avec les privilèges de reproduction permanents accordés auparavant aux imprimeurs. Ce changement fondamental visait à encourager l’apprentissage et la création en permettant aux œuvres de rejoindre le domaine public après un certain temps, les rendant ainsi accessibles à tous. En transférant les droits des imprimeurs aux auteurs, le Statute of Anne a favorisé l’émergence d’un environnement plus propice à la création littéraire.
Les auteurs désormais maîtres de leurs œuvres étaient encouragés à produire et à diffuser leurs écrits. Le Statute of Anne a eu une influence considérable sur les législations sur le droit d’auteur. Cette loi a introduit des concepts clés, comme la notion de droit d’auteur limité dans le temps et la distinction fondamentale entre les droits des créateurs et ceux des éditeurs. Les racines du droit d’auteur au Canada puisent profondément dans le système juridique britannique. Lors de la Confédération en 1867, le Canada, en devenant un Dominion britannique, a hérité des lois britanniques en vigueur, y compris celles relatives aux droits d’auteur.
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Voici le récit captivant d’une loi centenaire qui continue de protéger les créateurs canadiens. La loi sur le droit d’auteur.
Le Canada, terre d’envol pour les rêves, nation où les destins se rencontrent. Derrière chaque moment marquant se cachent des visages, des voix, des idées qui ont bâti la Nation. Dans 49 degrés nord, nous vous emmenons au cœur des moments charnières du Canada. Nous explorerons le Canada à travers les femmes et les hommes qui l’ont bâti. Les lieux qui ont été le théâtre de son histoire et les événements qui ont marqué son évolution. Des exploits méconnus aux moments historiques décisifs, nous découvrons comment ces éléments s’entremêlent pour créer le pays que nous connaissons aujourd’hui.
Ce balado est rendu possible grâce au soutien financier du gouvernement du Canada et du programme Commémoration Canada de Patrimoine canadien. Parlez-en à vos proches et abonnez-vous à 49 degrés nord pour continuer à explorer les histoires captivantes qui ont forgé ce pays remarquable.
Avant la Confédération, le droit d’auteur au Canada était régi par la législation britannique. Le Copyright Act de 1842 s’appliquait à la fois au Royaume-Uni et à ses Dominions, dont le Canada. Cette loi prolongeait la durée du droit d’auteur initialement promulgué par le Statute of Anne.
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Désormais, les œuvres littéraires étaient protégées pour la durée de vie de l’auteur plus sept ans, ou 42 ans après la publication, selon la période la plus longue. Cependant, cette extension de la protection des auteurs ne faisait pas l’unanimité. Thomas Tegg, un éditeur connu pour son commerce de livres bon marché, s’opposait farouchement à la loi de 1842, lui-même surnommé « l’emblème du sentiment anti-droit d’auteur extrême dans le commerce du livre ».
Il avait bâti sa fortune en réimprimant des œuvres dont les droits d’auteur avaient expiré. L’extension du droit d’auteur, telle que proposée par la loi, menaçait directement son modèle économique. Paradoxalement, bien que motivé par le profit, les arguments de Tegg ont contribué dès lors à alimenter le débat public sur le droit d’auteur et ses implications pour l’accès à la culture et à l’éducation.
Ainsi, lorsque le Canada est devenu un dominion britannique en 1867, il a hérité du système de droit d’auteur britannique en vigueur à l’époque, avec ses forces et ses faiblesses. Le Canada tente alors rapidement d’établir sa propre législation en matière de droit d’auteur. Dès l’année suivante, 1868, le Canada adopte, en vertu de l’article 91-23 de la Loi constitutionnelle de 1867, sa première loi sur le droit d’auteur indépendante An Act respecting Copyrights.
Bien qu’elle s’inspire largement de la législation britannique, elle représente une tentative pour le Canada de prendre en main son propre cadre juridique. La professeure titulaire Ysolde Gendreau, diplômée de l’Université McGill et de l’Université Paris II, membre du Barreau du Québec, elle enseigne le droit de la propriété intellectuelle et le droit de la concurrence à la Faculté de droit de l’Université de Montréal depuis 1991.
(Ysolde Gendreau)
Le pouvoir en matière de droit d’auteur a été conféré au Parlement fédéral et en 1868, la première loi sur le droit d’auteur canadienne, contemporaine, a été votée. Mais cette loi-là s’appliquait uniquement au Canada pour les œuvres canadiennes. Et des œuvres anglaises protégées en vertu de la loi anglaise pouvaient aussi bénéficier de la protection de la loi au Canada. Donc, ça faisait un mélange de droit local avec du droit étranger, le droit britannique, qui devait être particulièrement difficile à gérer.
Rivercast Media s.a. (08:09.018)
(Narrateur)
La durée de protection sous cette nouvelle loi canadienne est similaire, à savoir la vie de l’auteur plus sept ans ou 42 ans après la première publication. Tout comme la loi britannique, la loi de 1868 couvre principalement les œuvres littéraires comme les livres, les pamphlets, les imprimés. Mais rapidement, le Canada reconnaît la nécessité de protéger contre la reproduction non autorisée des nouvelles formes de création artistique. Ainsi, en 1875, le Canada élargit cette protection par des amendements ultérieurs pour inclure d’autres formes d’œuvres artistiques comme les œuvres musicales et les cartes géographiques. Malgré cet élargissement, la loi de 1875 ne reconnaissait pas encore les droits d’exécution et de présentation en public d’œuvres dramatiques et musicales, ni les droits d’interprétation. De plus, elle ne couvrait pas les œuvres architecturales, chorégraphiques et les enregistrements sonores. La loi de 1875 représente une étape dans l’évolution de la législation canadienne sur le droit d’auteur, mais elle est loin d’être complète. Il faudra attendre pour que le Canada se dote d’une loi plus exhaustive, adaptée à ses propres besoins culturels et économiques et plus indépendante du modèle britannique.
Transportons-nous maintenant en 1911 avec la professeure Gendreau de l’Université de Montréal.
(Ysolde Gendreau)
Et c’est ça qui a fait la loi de 1911 qu’on appelle la loi impériale aussi, parce que non seulement on voulait qu’elle s’applique en Angleterre, au Royaume-Uni, mais on voulait qu’elle serve de loi dans les colonies de l’Empire. Et après toutes sortes de tractations, la décision qui a été prise, ça a été de proposer aux colonies deux choix, ou bien de voter la loi impériale de 1911, telle sur le territoire de la colonie, qui est ce que l’Australie a fait, par exemple en 1912, ils ont une loi qui est la copie conforme de la loi de 1911. Ou bien, l’autre choix, c’est de faire comme a fait le Canada, c’est-à-dire se servir de la loi de 1911 comme modèle pour avoir sa propre loi nationale. Parce que le Canada avait peut-être plus de veléité et d’émancipation que l’Australie, le Canada s’est mis à l’œuvre.
Entre temps, évidemment, il y eu la Première Guerre mondiale, donc on peut s’imaginer que le droit d’auteur n’était pas une priorité pendant cette période-là, c’est tout à fait normal. Et finalement, ça a abouti à la loi de 1921, qui est une paraphrase de la loi de 1911 anglaise, tout en lui ayant conféré une structure un peu différente. Pour avoir regardé, je trouve quand même que la structure qu’on lui a donnée était plus moderne que ce qu’il y avait dans la loi de 1911. C’était une structure, à mon avis, plus logique, plus facile à suivre, et ça demeure la structure de base que l’on a aujourd’hui.
Cette loi de 1911, adoptée par le Parlement britannique, visait à la consolidation et la modernisation des lois existantes sur le droit d’auteur en Angleterre. Elle étend la protection du droit d’auteur à de nouveaux types d’œuvres, comme les gravures, les sculptures, les dessins et la photographie, ainsi qu’à introduire de nouveaux droits comme le droit de la représentation.
La loi de 1911 se voulait également à portée impériale, s’appliquant aux colonies britanniques, y compris le Canada, mais le Canada a choisi en 1912 de ne pas l’appliquer sur son territoire. La Loi canadienne sur le droit d’auteur, une loi fédérale, est adoptée en 1921, mais n’est entrée en vigueur qu’en 1924. Ce délai de trois ans s’explique par des considérations internationales liées au statut du Canada et à son désir d’affirmer son indépendance juridique.
Avant 1924, le droit d’auteur au Canada était régi par un mélange de lois canadienne et britannique avec une prédominance des statuts impériaux britanniques. La loi de 1921 représentait une étape importante vers l’émancipation juridique du Canada, Ysolde Gendreau:
Donc la loi a été votée en 1921 mais elle est entrée en vigueur seulement en 1924 parce qu’il y avait encore une fois un différend avec l’Angleterre par rapport au statut international du Canada pour cette loi sur le droit d’auteur. Le Canada voulait s’assurer qu’il pouvait davantage signer dans les conventions internationales comme pays qui pouvait avoir sa propre loi. Donc, il y a eu toutes sortes de considérations internationales de cette nature-là. La loi sur le droit d’auteur a constitué une étape dans l’émancipation juridique internationale du Canada.
Le 1er janvier 1924, cette date marque le début d’une nouvelle ère pour le droit d’auteur au Canada, avec une plus grande autonomie et une capacité accrue à adapter la législation aux besoins du pays. La Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques, adoptée en 1886, est un texte fondateur du droit d’auteur international. Elle a d’abord été adoptée en 1886 par 10 pays; la Belgique, la France, l’Allemagne, Haïtie, l’Italie, le Libéria, l’Espagne, la Suisse, la Tunisie et le Royaume-Uni. Bien que le Royaume-Uni ait signé la Convention, cela n’implique pas automatiquement ses colonies. Cependant, le Canada, en tant que colonie britannique à l’époque, s’est conformé au principe de la Convention de Berne à travers la législation britannique jusqu’à ce qu’il adopte ses propres lois en matière de droit d’auteur et rejoigne la Convention indépendamment en 1928.
Elle joue un rôle crucial dans l’établissement d’un cadre international pour la protection des droits d’auteur, établissant des principes qui sont encore fondamentaux aujourd’hui. À l’époque de sa création, à la fin du 19e siècle, la protection des œuvres littéraires et artistiques varie grandement d’un pays à l’autre, ce qui complique la protection des droits de hauteur à l’échelle internationale. Les auteurs et artistes qui publient, exposent ou diffusent leurs œuvres dans plusieurs pays doivent se conformer à une multitude de lois nationales, souvent contradictoires, ce qui rend la protection inefficace hors des frontières de leur propre pays. La Convention de Berne permet ainsi d’harmoniser la protection des droits de hauteur à travers les pays signataires en établissant des normes minimales que chaque pays doit respecter.
L’une des avancées majeures qu’apporte la Convention de Berne est l’établissement d’une protection automatique du droit d’auteur, sans besoin de formalité telle que l’enregistrement. Ainsi, dans les pays membres, une œuvre est protégée dès sa création sans nécessité de dépôt. Elle stipule aussi que les œuvres étrangères doivent recevoir la même protection que les œuvres nationales dans chaque pays signataire. Autrement dit, un auteur étranger jouit des mêmes droits dans un pays signataire que les auteurs nationaux.
Rivercast Media s.a. (15:05.55)
La Convention établit une durée minimale de protection, soit 50 ans après la mort de l’auteur. Les pays signataires pouvaient offrir une protection plus longue, mais pas plus courte. Les droits de l’auteur étaient donc évidemment valides durant toute la vie du créateur. La Convention de Berne protège un large éventail de droits, y compris les droits de reproduction, de traduction, d’adaptation, de représentation publique et de diffusion. Elle reconnaît également le droit moral de l’auteur, qui lui permet de revendiquer la paternité de l’œuvre et de s’opposer à toute modification qui porterait atteinte à son honneur ou à sa réputation.
Depuis sa signature, en 1886, la Convention de Berne a été révisée plusieurs fois pour s’adapter aux évolutions technologiques et culturelles. Parmi les révisions les plus significatives se trouve celle de 1908 qui introduit la protection des œuvres cinématographiques. La Convention de Berne est l’un des piliers du droit d’auteur international. Elle a mené à la Convention universelle sur le droit d’auteur, adoptée pour la première fois en 1952 sous l’égide de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, l’UNESCO. Elle établit un cadre de protection des droits d’auteur à une échelle mondiale. Le Canada y adhère en 1967. Cette Convention universelle sur le droit d’auteur offre une base commune pour la protection des droits d’auteur à travers le monde.
Elle est conçue pour être plus accessible aux pays en développement ou à ceux ayant des systèmes juridiques moins développés, permettant ainsi d’adhérer plus facilement à un cadre international de protection des droits d’auteur. Elle a été rédigée de manière à pouvoir coexister avec la Convention de Berne. Les pays pouvaient choisir d’adhérer à l’une, à l’autre ou aux deux conventions.
La Convention universelle sur le droit d’auteur impose aux pays signataires de reconnaître et de protéger les droits des auteurs sur leurs œuvres, ce qui inclut le droit de reproduction, de distribution et de traduction. Elle fixe des normes minimales de protection, notamment une durée de protection d’au moins 25 ans après la mort de l’auteur. Par ailleurs, contrairement à la Convention de Berne, la Convention universelle sur le droit d’auteur permet au pays d’imposer certaines formalités pour que les œuvres soient protégées, comme l’obligation de déposer l’œuvre ou de faire figurer un avis de copyright sur celle-ci.
Rivercast Media s.a. (17:26.253)
Il est aussi important de mentionner l’existence de la Convention de Rome de 1961 ou, son titre au long, la Convention internationale sur la protection des artistes, interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion. Elle complète ainsi la protection en étendant la couverture des droits de propriété intellectuelle aux acteurs, musiciens, producteurs de disques et chaînes de télévision ou de radio.
Alors que la Convention de Berne se concentre sur la protection des œuvres originales d’auteurs, comme les livres, la musique, les films, les œuvres d’art, la Convention de Rome étant la protection aux droits voisins du droit d’auteur, c’est-à-dire aux droits des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion. Cette convention a été adoptée en réponse aux besoins croissants de protéger les enregistrements sonores en tant que tels, séparément des droits d’auteur littéraire et artistique traditionnels.
C’est dans ce contexte de développement de normes internationales que le Canada aligne sa législation avec les conventions internationales pour éviter tout conflit juridique et garantir la reconnaissance internationale des droits des créateurs canadiens. Sur la Convention de Berne et ses révisions, la professeur Ysolde Gendreau :
(Ysolde Gendreau)
Il y a eu deux événements importants. Le premier, c’est que le Canada a pu signer comme pays autonome libre, l’acte de Rome de la Convention de Berne. Alors, la Convention internationale en droit d’auteur, à l’époque, parce qu’il en avait seulement une, aujourd’hui il en a plusieurs, c’est celle qu’on appelle la Convention de Berne, qui, depuis ce moment-là, jusqu’en 1971, a connu des révisions. Et à l’occasion des révisions, essentiellement, on recalible les droits, surtout on ajoute de nouvelles dispositions, on se préoccupe des développements technologiques pour que ça concorde avec le droit international. Et il y a eu une révision, comme ça en 1928, où on parle de l’Acte de Rome de la Convention de Berne comme étant le texte de la Convention après cette rencontre à Rome. Et donc le Canada a pu signer cet Acte de Rome en son nom propre et ça signifiait la possibilité d’avoir des amendements. Et un des amendements les plus importants, c’est que ça a permis d’introduire en droit canadien le droit moral.
(Narrateur)
L’Acte de Rome de 1928, une révision de la Convention de Berne, a joué un rôle crucial dans l’introduction du concept de droit moral dans la législation canadienne. Le droit moral est un concept issu de la tradition civiliste des pays d’Europe continentale. Il reconnaît à l’auteur des droits extra-patrimoniaux sur son œuvre, même après la cession de ses droits économiques. En d’autres termes, le droit moral protège le lien personnel entre l’auteur et son œuvre, indépendamment de la propriété économique de celle-ci. Le droit moral, en droit d’auteur canadien, est un concept fondamental qui protège les intérêts non économiques de l’auteur sur son œuvre. Il s’agit d’un droit distinct des droits patrimoniaux qui concerne l’exploitation économique de l’œuvre. Protéger l’âme de l’œuvre.
Les deux principales composantes du droit moral reconnu au Canada sont les droits à la paternité et le droit à l’intégrité. Le droit à la paternité permet à l’auteur de revendiquer la création de son œuvre et de s’opposer à toute attribution erronée, et le droit à l’intégrité protège l’œuvre contre toute déformation qui porterait atteinte à l’honneur ou à la réputation de l’auteur.
Sur le droit moral et son importance, la professeure de droit de la propriété intellectuelle et de la concurrence à la Faculté de droit de l’Université de Montréal Ysolde Gendreau:
(Ysolde Gendreau)
Le droit moral, c’est un concept qui est né dans les pays d’Europe continentale. Et les pays d’Europe continentale n’ont pas la même vision, surtout à l’époque, du droit d’auteur que l’Angleterre. L’Angleterre est un pays de tradition common law, les pays d’Europe continentale sont des pays de tradition civiliste, comme le Québec a un code civil. C’est des pays qui ont des codes civils. Et, dans les pays d’Europe continentale, quand on parle de droit d’auteur, le terme, c’est toujours la traduction dans la langue en question du mot droit d’auteur. Ce n’est jamais une traduction de copyright. Et parce que la terminologie est une terminologie qui parle de droit d’auteur, mais depuis le 19e siècle, dans ces pays-là, il y a eu tout un courant philosophique, juridique, pour reconnaître que les auteurs, avec la loi qui les protège, sont évidemment intéressés à monnayer leur droit d’auteur, mais ils ont aussi d’autres types d’intérêts à protéger, comme, par exemple, le droit d’avoir son nom sur la couverture du livre, le droit d’être reconnu comme auteur d’une oeuvre, ou encore le droit de voir que l’oeuvre n’est pas modifiée, n’est pas dénaturée, parce que, ensuite, l’oeuvre circulerait d’une manière qui n’est pas conforme à ce que l’auteur considérait être son œuvre. Ce type de disposition-là, ça fait partie du concept qu’on appelle le droit moral. Et les pays comme l’Angleterre et les États-Unis, peut-être encore plus, ne sont pas très friands de ce concept-là et trouvent que ça peut aller à l’encontre des intérêts économiques de ceux qui exercent le droit d’auteur.
L’approche britannique, l’approche américaine, c’est une approche qui s’intéresse davantage à la dimension économique du droit, qui veut s’en occuper et qui considère que si on vient jouer là-dedans, on vient compliquer les relations économiques. Mais les pays de droit d’auteur, eux aussi, sont intéressés par la dimension économique. Il ne pas penser qu’ils sont là uniquement pour les sentiments des auteurs, en plus d’un intérêt pour les questions économiques des auteurs, il y a aussi cette préoccupation de la dimension intellectuelle de l’œuvre pour l’auteur. Et le Canada, qui est dans la tradition britannique, dans la tradition de ces pays de copyright, a introduit le texte de la Convention de Berne sur le droit moral dans la loi canadienne. Donc ça a été, je dirais, une étape importante où on peut voir que le Canada, comme bon citoyen international, veut remplir toutes ses obligations parce qu’il vient de signer et il prend ça au sérieux. On est le premier pays de tradition copyright à avoir introduit le droit moral dans sa législation. C’est quand même quelque chose d’assez marquant.
Rivercast Media s.a. (24:28.814)
(Narrateur)
1925, le Canada met sur pied la première société canadienne de gestion du droit d’exécution en public d’œuvres musicales, literraires et dramatiques au Canada ; le Canadian Performing Rights Society. La CPRS a été créée pour gérer les redevances des compositeurs, paroliers et éditeurs de musique dont les œuvres étaient exécutées au Canada. En 1931, les tarifs se voyaient maintenant encadrés. Les quatre années suivantes, des enquêtes publiques sur les pratiques du CPRS révèlent l’importance, pour protéger l’intérêt public, de créer un organisme indépendant chargé d’examiner les tarifs pour l’exécution en public de la musique.
C’est ainsi qu’en 1936, le Canada créa la Commission d’appel du droit d’auteur. Le mandat de cet organisme était de réviser et d’approuver annuellement les propositions de tarifs soumises par les sociétés de gestion pour l’exécution publique des œuvres musicales et dramatico-musicales comprises dans leur répertoire.
(Ysolde Gendreau)
Donc, ils ont mis sur pied ce qu’ils appelaient à l’époque la Commission d’appel du droit d’auteur. Et ça permettait à un tribunal administratif de regarder ce qui se passait dans la négociation entre les titulaires de droit et les utilisateurs dans des contextes de représentation, des contextes de communication. Et les auteurs dans ces contextes-là se forment en société de gestion collective parce qu’un auteur individuel ne peut pas aller frapper à la porte de toutes les stations de radio ou de toutes les salles de concert pour réclamer quelque chose parce qu’on joue sa musique. Donc, dans des circonstances comme celle-là, l’exercice individuel du droit d’auteur est illusoire et ça fait en sorte que les auteurs se regroupent, l’union fait la force, alors ils se regroupent en une société de gestion qui, elle, négocie avec les stations de radio, les salles de concert, etc.
Donc, on craignait que cet ensemble d’auteurs formés en une société de gestion collective, ça pouvait être trop dangereux pour les utilisateurs, ce tribunal administratif, la commission d’appel du droit d’auteur, allait pouvoir surveiller, contrôler et déterminer les prix. Donc, chacun disait « bien moi je voudrais avoir tant », « non vous êtes en train de demander trop cher, je considère que je devrais vous payer seulement tel autre montant », et cette commission pouvait statuer là-dessus. Et ça, c’est un régime qui a continué jusqu’à aujourd’hui. Comme société de gestion collective, à l’époque, c’était l’ancêtre de la Socan.
Rivercast Media s.a. (26:59.15)
(Narrateur)
La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique est une société de gestion collective sans but lucratif qui administre les droits d’exécution des compositeurs, auteurs-compositeurs, paroliers et leurs éditeurs canadiens, créée en 1990 par la fusion de deux anciennes sociétés canadiennes de gestion des droits d’exécution. La CAPAC, Composers, Authors and Publishers Association of Canada Limited, fondée en 1925 sous le nom de CPRS et la PROCAN, Performing Rights Organization of Canada Limited, fondée en 1940 sous le nom de BMI Canada Limited.
Après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux pays ont modernisé leurs lois sur le droit d’auteur pour tenir compte des progrès technologiques tels que la radio, la télévision et le câble. Le Canada a cependant adopté une approche différente, Ysolde Geandreau:
(Ysolde Geandreau)
Donc ça, a été une étape très importante dans l’évolution du droit d’auteur. La Deuxième Guerre est arrivée et après la guerre, dans un très grand nombre de pays, en Angleterre d’ailleurs, dans les années 50-60, il y eut aussi toute une époque de renouvellement du droit d’auteur. Parce que non seulement il a la radio, mais il a la télé. On commençait à avoir le câble, les films prennent plus de place. À cause de ça, les pays ont mis à jour leur loi sur le droit d’auteur.
Il y a eu beaucoup de nouvelles lois sur le droit d’auteur à cette époque-là, vraiment des réformes de fond en comble. Mais le Canada ne l’a pas fait. Alors le Canada, à partir des années 50, a fait quelque chose qui va sans doute sembler très usuel. On a fait des études, des commissions d’enquête, on a fait des rapports sur différentes questions. On a continué comme ça à faire des rapports jusque dans les années 70-80. Il se passait très peu de choses du point de vue législatif. Qu’est-ce qui s’est produit avec les années 70? Les ordinateurs. Donc, les programmes d’ordinateur sont devenus particulièrement importants et là, ça a été un mouvement mondial pour faire protéger les programmes d’ordinateur par le droit d’auteur. Et c’est ce qui a fait en sorte qu’on a commencé au Canada à avoir des modifications à la loi sur droit d’auteur. Il y a eu donc cette question des programmes d’ordinateur. Il y avait, en même temps on peut dire, une certaine vétusté de la loi. Mais il y eut un autre phénomène aussi qui lui va continuer à prendre de l’ampleur. C’est celui des accords commerciaux.
(Narrateur)
Vers la fin des années 1960, il est évident que la Loi canadienne sur le droit d’auteur, qui date déjà de 1921, est tout à fait désuète, ne répondant plus du tout à la situation technologique et ce, plus particulièrement, dans le domaine des moyens de communication, de transmission et de reproduction de l’information. Cette décennie a été une période de transformation rapide en matière de technologies de communication, de production et de distribution des œuvres culturelles, avec l’essor de la télévision, de la radio, des enregistrements sonores et du cinéma.
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Il devient crucial pour le Canada de mieux protéger les œuvres, y compris les œuvres audiovisuelles et les enregistrements sonores, en plus d’intégrer dans la loi des dispositions concernant les œuvres créées par des employés ainsi que les œuvres collectives.
Les créateurs, auteurs, compositeurs, artistes-interprètes ainsi que les industries culturelles exercent une pression croissante sur le gouvernement canadien. Ils demandent une meilleure protection contre les nouvelles formes d’exploitation, notamment la diffusion massive via la télévision et la radio. Lentement, certaines modifications mineures sont apportées, comme la communication de documents effectués en vertu des demandes d’accès à l’information, la communication de renseignements personnels en vertu des lois qui les protègent, et la reproduction d’un enregistrement pour le dépôt aux archives nationales du Canada. Les reproductions destinées principalement à l’usage de personnes incapables de lire les caractères imprimés en raison de déficiences physiques confectionnées au Canada sont autorisées.
Les changements des années 1970 sont peu, et une mise à jour est nécessaire pour moderniser le cadre juridique, rendre la législation plus pertinente face aux défis posés par les nouvelles technologies, et l’évolution des pratiques commerciales dans le domaine culturel.
(Ysolde Gendreau)
Donc le Canada avait pris beaucoup de retard. On a des accords internationaux et en même temps, on ressent le besoin de faire des choses. Le Canada décide de considérer que la tâche elle est trop grande. Donc on doit procéder par phase. On va faire le plus urgent en phase 1 et on fera le reste en phase 2. On se fait toujours rattraper là-dedans. L’accord de libre-échange Canada-États-Unis, ça a été 1987. Et là, ensuite, 1988, on a la phase 1. Mais là, ensuite, on se dit, on fait le reste bientôt.
(Narrateur)
La Loi sur le droit d’auteur du Canada, adoptée en 1921 et entrée en vigueur en 1924, a connu une première phase de modernisation majeure en 1988.
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Cette révision, qui a fait suite à de nombreuses études et rapports commandés par le gouvernement, était essentielle pour adopter la loi aux réalités technologiques de l’époque. La révision de 1988 a explicitement reconnu les programmes d’ordinateurs comme des œuvres littéraires protégées par le droit d’auteur. Cette reconnaissance a été motivée par l’essor de l’informatique et la nécessité de protéger des investissements dans le développement de logiciels.
Ces modifications ont permis de clarifier le statut juridique des logiciels et de garantir une protection adéquate aux développeurs. La révision a mené à la création d’une nouvelle commission du droit d’auteur, remplaçant l’ancienne commission d’appel du droit d’auteur. Cette nouvelle commission a reçu des pouvoirs élargis pour réglementer la gestion collective des droits d’auteur et octroyer des licences pour l’utilisation d’œuvres dont le titulaire du droit d’auteur est introuvable. Elle bénéficie de pouvoirs étendus dont notamment un rôle d’arbitre en cas de désaccord sur les redevances entre certaines sociétés de gestion et un utilisateur. Aussi, fort de la loi de mise en œuvre de l’accord de libre-échange Canada et États-Unis, la nouvelle Commission se voit confier le mandat de fixer et répartir les redevances pour les œuvres retransmises sur des signaux éloignés de radio et télévision.
La révision de 1988 a marqué une étape importante dans l’évolution du droit d’auteur au Canada, un jeu d’équilibriste s’impose constamment. Trouver un compromis entre la protection des droits des créateurs, les intérêts privés, et la nécessité de permettre un accès raisonnable à la culture, à l’information et à l’éducation pour le public, l’intérêt public. Les auteurs, les compositeurs, les artistes, mais aussi les producteurs désirent la protection de leurs œuvres pour en tirer des revenus et continuer à produire du contenu créatif et encourager la création artistique et l’innovation par des incitatifs économiques. En contrepartie, une protection trop rigide des droits d’auteur pourrait restreindre excessivement l’accès à ces œuvres et freiner la diffusion de la culture et l’accès aux œuvres créatives et informatives, essentielles pour la diffusion de la culture, l’éducation et le progrès scientifique.
Cette révision n’était que la première phase d’un processus de modernisation continu.
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Des changements encore plus importants ont été introduits lors de la deuxième phase de la réforme en 1997.
(Ysolde Gendreau)
On est en présence d’un autre phénomène, l’Internet, et on se dit si on tient compte des questions d’Internet dans notre réforme, ça va prendre trop de temps. Donc, faisons la réforme de 1997 qui n’est pas une réforme Internet, mais qui est une réforme très importante pour la loi sur droit d’auteur qui a reconnu encore plus de gestion collective pour différents intervenants dans le milieu des auteurs, des artistes interprètes, qui a donné plus de place à la gestion collective, qui a donné plus de rôle à la Commission du droit d’auteur. La Commission d’appel du droit d’auteur est devenue la Commission du droit d’auteur que l’on connaît aujourd’hui.
(Narrateur)
Résultat d’un long processus d’adaptation aux réalités technologiques et aux engagements internationaux du Canada, la réforme de 1997 représente la deuxième phase de modernisation de la Loi sur le droit d’auteur. On se souviendra que le Canada a adhéré à plusieurs accords internationaux, l’ALENA, l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ADPIC, l’Acte de Paris et la Convention de Rome. Ces engagements internationaux ont eu une influence significative sur le contenu de la réforme de la loi en 1997. Cette nouvelle mouture tient un peu mieux en compte des nouvelles technologies en modernisant la terminologie et en introduisant un système de redevance pour certaines utilisations autorisées de logiciels.
Le nombre d’exceptions aux droits d’auteur est passé d’une vingtaine en 1988 à plus d’une cinquantaine en 1997, exception visant à mieux répondre aux besoins des utilisateurs, notamment dans les domaines de l’éducation, de la recherche et des bibliothèques. Bien que le régime des exceptions a été élargi, la plupart des exceptions étaient assorties de conditions strictes afin de protéger les intérêts des auteurs. Bien qu’importante, la réforme de 1997 n’a pas anticipé l’impact fulgurant d’Internet.
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Le gouvernement canadien a donc décidé de reporter à plus tard l’intégration des obligations découlant des traités Internet de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), adoptée en 1996. Ce retard a été comblé lors de la réforme de 2012, qui a notamment introduit des dispositions spécifiques pour encadrer l’utilisation des œuvres sur Internet. La réforme de 1997, malgré ses lacunes, a permis de jeter les bases d’une loi sur le droit d’auteur plus flexible et adaptable, capable de mieux répondre aux défis de l’ère numérique.
La réforme de 2012 de la Loi sur le droit d’auteur au Canada, aussi connue sous le nom de la Loi sur la modernisation du droit d’auteur, a marqué un tournant majeur dans l’adaptation du droit d’auteur à l’ère numérique. Elle a permis de tenir compte des progrès technologiques et des normes internationales. Elle a de plus clarifié la responsabilité des fournisseurs de services Internet dans le contexte du partage de contenu protégé par le droit d’auteur en ligne.
Un autre aspect important de cette réforme a été l’introduction d’un cadre pour l’utilisation des œuvres orphelines, c’est-à-dire les œuvres dont les titulaires de droit ne sont pas identifiés ou localisés, facilitant ainsi leur usage dans des contextes éducatifs ou pour la conservation. Finalement, la réforme de 2012 a élargi l’exception d’utilisation équitable, ce qui a permis aux entreprises, aux enseignants,
aux bibliothèques et aux élèves de faire un plus grand usage de matériel protégé par le droit d’auteur, notamment à des fins d’éducation et de recherche. Plus important encore, afin que la Loi sur le droit d’auteur puisse s’adapter aux futures innovations, elle devient plus neutre sur le plan technologique.
La réforme de 2012 a été accueillie avec un mélange d’enthousiasme et de critiques. La modernisation de la Loi sur le droit d’auteur pour l’adapter à l’ère numérique a été largement saluée, les nouvelles exceptions ont été vues comme un moyen pour favoriser l’accès à l’information et à la créativité. Cependant, la suppression des redevances pour certaines exceptions a été critiquée par les auteurs, qui craignaient une diminution de leurs revenus. Certains ont aussi exprimé des inquiétudes quant à l’impact de l’élargissement de l’utilisation équitable sur les droits des auteurs.
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Malgré cela, la réforme de 2012 a tenté de trouver un équilibre entre la protection des droits des auteurs et la promotion de l’accès à l’information et de la créativité à l’ère numérique.
(Ysolde Gendreau)
« Et ça nous amène aujourd’hui à une époque où la question de l’Internet n’est pas complètement réglée, je dirais, en termes de mise en œuvre. Les dispositions de la loi sont là, mais il y a différents problèmes aussi. Mais là, qu’est-ce qui nous arrive? L’intelligence artificielle. Alors, vous voyez que ça va plus vite que le rythme qu’on peut avoir d’un point de vue législatif ».
(Narrateur)
L’arrivée de l’intelligence artificielle a ajouté une nouvelle dimension à ce paysage déjà complexe, posant des défis inédits pour l’application et l’interprétation de la loi. En effet, l’IA a introduit de nouvelles complexités dans le domaine du droit d’auteur, soulevant des questions sur la création, la propriété et l’utilisation des œuvres générées par les intelligences artificielles. La professeure titulaire Ysolde Gendreau.
(Ysolde Gendreau)
L’intelligence artificielle, en fait, ce que ça fait surtout, c’est que ça remet en question toujours des concepts traditionnels. Pour le moment, de ce qu’on peut comprendre, ce n’est pas tellement parce que ça ajoute quelque chose qui est extrêmement différent de ce que l’on a jusqu’à maintenant, mais ça nous oblige à revoir certains concepts et en particulier la notion de reproduction. Donc, c’est quand même un peu c’est particulier de voir qu’on continue de s’interroger sur la nature même de ce qui constitue une reproduction, alors que c’est quand même le plus vieux des droits de la propriété intellectuelle, le droit de reproduction.
Mais ça se situe à deux étapes essentiellement. L’entraînement de l’intelligence artificielle qui nécessite la copie de beaucoup de choses et ensuite, ce qui sort de l’intelligence artificielle, le produit qui en sort. Est-ce que l’entraînement de l’intelligence artificielle signifie qu’on a besoin d’obtenir l’autorisation des auteurs à l’autre bout de la production? Est-ce que ce qui sort de l’intelligence artificielle est une œuvre au sens du droit d’auteur, si elle l’est, qui est son auteur? Parce que traditionnellement, on a toujours compris que bien une œuvre a besoin d’un auteur, personne physique. Donc, avec l’intelligence artificielle, cette identification de l’auteur prend une autre dimension. Et dans la question de la reproduction des œuvres qui ont servi à l’enregistrement, vous avez le fait qu’on nourrit l’intelligence artificielle de très grandes quantités d’œuvres pour obtenir un certain produit. D’habitude dans la copie d’une œuvre, ce qui nous permettait de dire que c’était une copie de l’œuvre, c’est qu’on arrivait à reconnaître l’œuvre à partir de laquelle on avait travaillé. On arrivait à reconnaître l’œuvre copiée, l’œuvre d’origine. Tandis qu’avec le processus fait par l’intelligence artificielle, c’est extrêmement difficile pour ne pas dire presque impossible d’identifier précisément une œuvre qui aurait servi à l’entraînement dans le produit final. Donc, ça vient vraiment compliquer l’analyse de la notion de reproduction.
(Narrateur)
L’IA peut créer des œuvres qui ressemblent à des créations humaines. La question se pose de savoir si ces œuvres peuvent être considérées comme originales et donc protégeables par le droit d’auteur. Comment déterminer qui détient les droits d’auteur sur une œuvre créée par l’IA ? Le développeur de l’IA ? L’utilisateur qui a fourni les données ? Ou l’IA elle-même ? Défis juridiques majeurs qui ne semblent pas, pour l’instant, trouver réponse dans la loi actuelle sur le droit d’auteur. Selon les critères du talent et du jugement pour déterminer si une œuvre est originale, on peut présumer que la loi protège l’auteur ou le créateur humain. Mais avec la présence incontestable de l’IA, capable de créer des œuvres qui ressemblent à des créations humaines, cette présomption est contestable.
Le droit moral, ce concept ancré en droit d’auteur canadien, protège le lien personnel entre l’auteur et son œuvre. Est-ce que seul un humain peut en bénéficier? L’arrivée de l’IA soulève des questions fondamentales sur la création et la titularité du droit d’auteur lorsque des œuvres sont générées par des systèmes d’IA. L’émergence de l’IA et sa capacité à créer des œuvres soulèvent des questions importantes qui pourraient nécessiter une révision de la Loi canadienne sur le droit d’auteur
Rivercast Media s.a. (43:35.498)
afin de clarifier la notion d’auteur et la titularité du droit d’auteur dans le contexte de la création par l’IA.
(Ysolde Gendreau)
En premier lieu, toujours pour aller par étapes parce qu’on a beaucoup de mal à faire des choses de manière globale, est-ce qu’ils vont vouloir commencer par un simple, je dirais, recalibrage de la loi, mettons, faire face à tous ces problèmes ou une grosse partie de ces problèmes actuels, sans viser la question de l’intelligence artificielle? Pour se donner un peu le temps de voir quand même comment ça évolue parce qu’il faut reconnaître qu’il y a beaucoup d’inconnus actuellement et beaucoup d’études, beaucoup de jurisprudences qui risquent de sortir des États-Unis aussi sur cette question-là. Et les décisions des cours un peu partout, pas seulement aux États-Unis, mais en Europe, dans n’importe quel pays où ça peut se produire, le phénomène étant tellement global. Ça montre différentes approches, différentes idées, différentes façons de concevoir la situation. Donc, comment dire, l’inspiration peut venir de partout. Peut-être que pour avoir l’impression d’avancer un peu, on pourrait souhaiter avoir une première réforme qui serait une réforme selon ce qu’on appellerait l’agenda national pour pouvoir voir venir l’intelligence artificielle. D’ailleurs, en 2026, on doit revoir le deuxième accord ALENA qu’on a avec les États-Unis et le Mexique. Vous savez, il y en a eu un premier, puis il en a eu un deuxième. Et ce deuxième doit durer jusqu’en 2036, mais en 2026, il doit y avoir une sorte d’étude sur est-ce qu’on va de l’avant, quels sont les sujets, etc. Je pense que ce serait assez facile de parier que la question de l’intelligence artificielle pourrait faire partie des discussions de 2026. Donc, je ne vois pas pourquoi le Canada voudrait nécessairement faire quelque chose avant ça. Mais peut-être que d’un point de vue stratégique, il aimerait faire quelque chose avant. Je ne sais pas.
(Narrateur)
La vision autochtone du droit d’auteur diffère profondément de celle qui est enchâssée dans la loi canadienne. Ces divergences fondamentales crient des tensions et des obstacles à la protection adéquate des savoirs et des expressions culturelles autochtones.
Rivercast Media s.a. (46:02.222)
L’une des principales sources de friction réside dans la notion même d’auteur. Le droit d’auteur canadien est ancré dans une vision individualiste de la création où l’auteur est unique et identifiable. En revanche, la tradition autochtone valorise la création collective, où les œuvres sont souvent le fruit d’un héritage transmis et enrichi de génération en génération. Prenons l’exemple d’un chant traditionnel qui se transmet depuis des siècles au sein d’une communauté. Pour le droit canadien, il est difficile de déterminer qui est l’auteur de ce chant. Est-ce la personne qui l’a chanté en dernier? Est-ce la communauté dans son ensemble? La loi n’offre pas de réponse claire à ces questions. De plus, la tradition orale est au cœur de la culture autochtone. Chants, contes et récits sont transmis oralement depuis des temps immémoriaux. Or, le droit d’auteur canadien, influencé par la tradition britannique de copyright, se concentre sur la protection des œuvres fixées sur un support matériel, comme les écrits ou les enregistrements sonores. Il est donc difficile d’appliquer le droit d’auteur à des œuvres orales, fluides et en constante évolution.
Enfin, la vision autochtone du patrimoine culturel s’oppose à la notion de domaine public. Dans le système canadien, les œuvres entrent dans le domaine public après une période de protection limitée, généralement la vie de l’auteur plus un certain nombre d’années. Mais pour les Autochtones, les œuvres transmises depuis des temps immémoriaux ne sont pas destinées à devenir un jour public. Elles constituent un patrimoine collectif inalienable qui appartient à la nation. La professeur Ysolde Gendreau de l’Université de Montréal.
(Ysolde Gendreau)
Une des problématiques de la loi sur le droit d’auteur de nos jours, c’est celle de savoir comment intégrer la vision autochtone du droit d’auteur. Parce que, dès le départ, les positions sont assez opposés sur différents plans. Vous avez d’abord la question de qui est l’auteur d’une œuvre. Notre vision traditionnelle, c’est l’image d’un auteur individuel, personne physique individuelle, bon, peuvent travailler en équipe, mais c’est une personne physique individuelle. Du côté autochtone, ils vont plutôt faire valoir le fait d’une création collective et ils vont aussi faire le fait d’une création collective dans le temps.
Rivercast Media s.a. (48:23.554)
Mais pour eux, ce n’est pas une question de domaine public. Donc vous voyez qu’il y a des oppositions ici qui sont extrêmement importantes et qui relèvent vraiment de la nature de ce qu’est le droit d’auteur. C’est un grand défi, mais on n’est pas le seul pays évidemment à avoir un tel défi. Et à ce titre, c’est important de signaler que d’autres pays de l’empire britannique sont beaucoup plus avancés que nous sur ces questions-là. On pense ici à l’Australie et à la Nouvelle-Zélande. Donc eux, ils ont déjà fait beaucoup pour ce type de questions-là. Ça peut être une source d’inspiration pour nous.
(Narrateur)
La Loi sur le droit d’auteur a été révisée à plusieurs reprises depuis son entrée en vigueur en 1924. Ces réformes visaient à adapter la loi aux nouvelles technologies et à clarifier certains aspects, comme la protection des logiciels, la gestion collective du droit d’auteur et la reconnaissance des droits moraux. Aujourd’hui encore, la Loi sur le droit d’auteur est en constante évolution. L’arrivée de l’intelligence artificielle pose de nouveaux défis. Comment la loi peut-elle s’adapter à la production d’œuvres par des algorithmes? Un autre défi majeur est l’intégration de la vision autochtone du droit d’auteur. Il est essentiel de développer des mécanismes pour reconnaître la création collective, protéger les œuvres orales et respecter la temporalité autochtone du patrimoine culturel. L’expérience de pays comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande pourrait inspirer le Canada dans cette démarche. La modernisation de la loi doit trouver un équilibre entre la protection des créateurs et l’accès du public aux œuvres.
La Loi sur le droit d’auteur a 100 ans. Un siècle d’efforts pour trouver un équilibre entre la protection des créateurs et l’accès aux œuvres. Cette loi a évolué avec le temps, s’adaptant aux nouvelles technologies, de l’imprimerie à l’Internet. 100 ans de protection. La Loi sur le droit d’auteur a permis aux créateurs canadiens de s’épanouir et de partager leurs œuvres avec le monde. Écrivains, musiciens, cinéastes, artistes visuels,
Rivercast Media s.a. (50:24.616)
Tous ont bénéficié de ce cadre juridique qui protège leurs droits et encourage la création. La Loi sur le droit d’auteur, c’est un gage de vitalité pour la culture canadienne. Un outil qui favorise la création et le partage des connaissances. L’intelligence artificielle, la reconnaissance des savoirs autochtones, les nouvelles formes de création, la Loi devra maintenant relever ses défis avec audace et créativité. En protégeant les créateurs et en favorisant l’innovation, elle continuera de faire rayonner le Canada sur la culturelle internationale.
Alors que nous commémorons le centenaire de la Loi canadienne sur le droit d’auteur, nous rendons hommage aux innombrables personnes dont le courage et le dévouement ont fait du Canada la nation d’aujourd’hui. Leurs histoires, tissées dans la trame même de notre histoire, résonnent non seulement dans les pages des manuels scolaires, mais aussi dans les rues que nous arpentons et les monuments qui ornent nos horizons. La prochaine fois que vous vous promenez dans votre ville ou votre village, prenez un moment pour vous arrêter et réfléchir. Chaque nom de rue et chaque bâtiment murmure des récits de notre passé. Ce sont des monuments vivants dédiés aux explorateurs, aux pionniers et aux visionnaires qui ont bâti ce pays, de pierre en brique, de rêve à la réalité.
Ce voyage à travers la riche mosaïque d’événements, de personnes et de lieux du Canada est rendu possible grâce au généreux soutien du gouvernement du Canada. Partagez ce balado avec votre famille et vos amis et ensemble, découvrons les trésors cachés de notre patrimoine commun. N’oubliez pas d’explorer les autres épisodes captivants de 49 degrés Nord, où nous plongeons au cœur des histoires fascinantes qui ont fait du Canada un pays remarquable.